lundi 16 avril 2007

L`Iran de l`Ouest, une claque pour nous, petits occidentaux

C`est depuis Shush, ville qui ne nous a procure que de lumineuses surprises, que nous avons penetre dans l`Iran occidental. Et c`est de la premiere ville traversee de cette region, Kermanshah, que nous nous sommes pris un electrochoc.

Kermanshah est tres proche de la frontiere avec l`Irak et a beaucoup souffert dans les annees 1980 de la guerre contre l`Iraq. Le bazar ainsi qu`une des mosquees proche de celui-ci ont ete serieusement touches et sont encore en travaux. On a surtout le sentiment que l`economie, pourtant probablement importante car c`est une des villes les plus
dynamiques de la region, a du mal a repartir. On est arrive a Kermanshah vers 19h, un vendredi soir, l`equivalent de notre dimanche. Le temps de s`installer a l`hotel et de ressortir pour manger, les rues etaient desertes. Pas un pieton, de rares voitures et peu d`illumination. Les villes que nous avions traversees jusque-la, peut-etre plus touristiques, etaient animees jusqu`assez tard dans la soiree et jamais on avait ressenti cette impression de ville-morte. Comme pour rajouter une couche a notre desarroi, l`homme de l`hotel nous conseille fortement de prendre un taxi pour parcourir les 1.5 km qui nous separent du resto. Serions-nous dans une ville coupe-gorge ? Le court trajet en taxi nous fait decouvrir une grande avenue vide de tout etre vivant et peu eclairee. On a quand meme eu confirmation d`une animation dans la ville car au-dessus du resto, un mariage se fetait sur le rythme de la techno orientale. Nous nous sommes rendus compte, le lendemain, qu`en penetrant dans Kermanchah, on avait pousse la porte d`une ville tres traditionnelle, du moins aux regles regissant la societe musulmane tres fortes. Kermanshah se trouve dans le Kurdistan, region a forte majorite kurde, peuple non opprime en Iran actuellement mais qui a toujours ete persecute. Leur identite est donc tres forte et c`est la seule minorite importante que l`on ait vu en Iran se caracteriser par sa tenue vestimentaire. Les hommes sont en pantalon bouffant, serre a la taille par une sorte de turban-ceinture dans laquelle ils glissent leur couteau. Leurs vestes sont taillees dans la meme toile que le pantalon et coupees avec style au-dessus de la taille ou ont des epaulettes qui pointent vers le haut. Les femmes sont en robes ou jupes relativement colorees et portent le foulard conventionnel de facon assez decontractee. On a pu observer Ces tenues surtout dans les villages aux alentours de Kermanshah. A kermanshah, on a surtout remarque quelques hommes en pantalon bouffant. Ce qui nous a surtout frappe dans cette region, ce sont la rudesse et probablement la plus grande pauvrete des gens qui nous entouraient. On ressentait depuis le debut du voyage en Iran la difficulte de la vie pour une grande majorite des iraniens. Mais les villes traversees etaient d`une part tres touristiques et d`autre part tres grandes et variees. Et il est probable que la multitude des monuments impressionnants de ces villes nous ait fait detourner le regard d`une realite quotidienne difficile. A Kermanshah et dans les villes qui ont suivi nous avons apprecie les monuments et les sites visites mais nous n`avons plus ressenti le "choc" artistique qu`Ispahan ou Yazd par exemple nous avaient procure. Par contre, le choc culturel a ete frontal et nous a laisse durant quelques jours sans voix. Kermansha a ete la premiere ville ou on a subi la separation entre les femmes et les hommes. Au cyber-cafe, on m`a fermement deplacee au fond de la vaste piece, derriere une vitre teintee ou six ou sept ordinateurs attendaient sagement ces demoiselles. Tant que j`etais a cote de Christophe, ca allait, mais comme je m`etais deplacee car l`ordi ne fonctionnnait pas bien, ca n`allait plus. Dans un restaurant, on s`est rendu compte qu`il y avait une piece pour les hommes seuls et une autre pour les familles et les couples. Ce ne fut pas une nouveaute pour moi que les hommes ne m`adressent pas la parole. Mais ce a quoi je n`etais pas habituee, c`est que meme les jeunes, de 18-25 ans, ne me parlent pas et ne me regardent pas. Chaque fois que des jeunes gars nous ont aborde, Christophe etait leur seul sujet d`interet, que ce soit pour les discussions ou pour les photos. Ils me poussaient sur le cote pour que seul Christophe apparaisse sur la photo avec eux. On a aussi ete interpelle par le regard triste, melancolique, voire absent de beaucoup de jeune gars qui ne doivent pas avoir 25 ans. On a pu tres peu parler avec les jeunes car on en a rencontre que tres peu pouvant parler anglais. Et nos quelques mots baragouines en farsi sont loin de permettre une conversation interessante. Du coup, on n`a pu qu`essayer d`interpreter, avec nos codes occidentaux, les reactions et les comportements quotidiens. Ce fut la ville ou on a le plus entendu des choses negatives sur l`Iran. Le chauffeur du taxi du premier soir n`a pas arrete de nous dire que l`Iran, depuis la revolution islamique, depuis que ces "arabes" (insulte supreme pour les perses) sont au pouvoir, n`est pas bien, que les rues sont vides et l`economie desastreuse. Les discours entendus jusque-la n`avaient jamais ete aussi incisifs et proclames avec autant de virulence. Un petit jeune rencontre le lendemain nous disait sa desillusion par rapport a son avenir. De boulot dans sa ville, il n`en aurait certainement pas un bon et il etait impossible, economiquement, d`imaginer qu`il aille a Teheran. Il savait que ce serait difficile et nous disait que son seul espoir c`etait d`aller aux Etats-Unis... Je crois qu`on n`avait pas encore ressenti la detresse des jeunes de facon aussi negative et presque sans espoir. Mais on ne comprenait pas pourquoi toute cette detresse n`etait jamais accompagne de revolte contre leur gouvernement ou meme de jalousie vis-a-vis de nous, qui devons represente une vie bien meilleure pour eux.
Il nous a fallu attendre Qazvin, dans le nord-ouest de l`Iran, quelques jours plus tard, pour avoir quelques reponses. Le premier soir de notre arrivee dans cette ville, alors a la recherche d`un resto, une jeune fille dans sa vieille Peugeot 204 s`arrete et nous propose de nous aider. Elle nous depose et comme elle voulait pratiquer son anglais et que le lendemain elle ne bossait pas, on s`est donne rendez-vous. Pendant trois jours, elle nous a promene partout en ville et aux alentours en repondant a nos questions de plus en plus decontractee avec simplicite et beaucoup de sagesse. Aucune opposition n`est possible en Iran car toute personne s`exprimant dans un journal contre le gouvernement est emprisonne. Bon, ce n`etait pas forcement une decouverte. Par contre, ce qui m`a permis de mieux comprendre la mentalite actuelle des iraniens c`est de savoir que les iraniens ont peur d`une nouvelle revolution. Que lors de la revolution islamique, que beaucoup d`iraniens voulaient car ils aiment l`islam, il y a eu des veritables bains de sang, meme parmi ceux
tres musulmans. Ils se sont rendus compte que ce qu`ils ont eu avec la revolution n`etait pas mieux qu`avant voire meme pire qu`avant (pas mal de personnes nous ont dit que le hijab -le voile- c`est nul) et ils n`ont surout pas envie de revivre cette experience sanglante. Ils ne se font aucune illusion sur leur gouvernement. Beaucoup nous ont dit que leur president est stupide. Quand on leur demande comment ils voient leur avenir, la reponse est "je ne sais pas" et je crois qu`ils evitent d`y penser en fait.
Prochain mail peut-etre en Ouzbekistan !

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